Le commissaire de police, en 1854, est sévère pour l'engagement de Mulhausen en faveur de la Révolution en 1848.
D'un extérieur assez propre, cette commune « présente un certain air d'aisance » et entretient bien l'église et la maison d'école, mais le village n'a ni biens communaux ni forêts et n'a qu'un « territoire médiocrement fertile ». Les fortunes sont modiques et la misère touche un grand nombre de pauvres qui vont mendier au dehors.
Le commissaire est féroce sur la propagation des idées républicaines : « Imbue de principes socialistes et d'idées subversives propagées par l'ex-maire Schnepp, qui entretenait en 1848 et 1849 de fréquentes et d'intimes relations avec tous les brouillons du voisinage, et par sa nombreuse parenté, la population de Mulhausen a l'esprit frondeur, elle est dépourvue de tout sentiment religieux et ne se soumet qu'avec peine aux prescriptions de l'autorité ». Il dénonce aussi le « luxe exagéré » de certaines femmes.
Cependant l'ancien maire avait été élu et apprécié, tandis que le retour d'un maire conservateur, noble et de surcroît catholique, a été très mal perçu, d'où l'antagonisme entre la population protestante et Bernard-Louis de Gail, maire nommé de 1835 à 1848 et, après la révocation du maire Schnepp, de décembre 1851 à 1860, descendant d'une famille installée à Mulhausen au milieu du XVIIIe siècle.
« Rejeton d'une ancienne famille noble au milieu d'une population pénétrée d'égalité et d'intolérance, habitant le manoir de ses ancêtres qui semble encore dominer, comme au temps féodal, les modestes demeures du village, M. de Gail pèse sur ses administrés comme un lourd fardeau. » Il manque de savoir relationnel et il est « plutôt craint que respecté ».
« 77 jeunes arbres lui ont été coupés en une seule nuit »
Lui-même redoute des actes de vengeance contre sa maison et ses cultures, car en 1848 « 77 jeunes arbres lui ont été coupés en une seule nuit ». Il est aussi gêné par des dettes personnelles consécutives à « des essais malheureux en agriculture » et par un frère dérangé d'esprit.
La population totale est de 710 habitants, dont 10 catholiques et 73 israélites. Ces derniers, installés depuis longtemps, « la plupart pauvres » selon le commissaire, ont pu cependant construire une nouvelle synagogue en 1869, car l'ancienne de 1745 était en mauvais état, et ils vivaient en bonne entente avec la population.
Le village est une annexe de la paroisse de Schillersdorf, mais l'empreinte religieuse y est moins marquée, comme on a pu le constater une trentaine d'années plus tard lors de l'élection du pasteur libéral Frédéric Jaeger par 3 voix contre 2, ce qui a provoqué un schisme à Schillersdorf en 1883, suscitant la création d'une paroisse luthérienne libre maintenue jusqu'à aujourd'hui.
par Bernard Vogler
Pour en savoir plus : rapport du commissaire cantonal de Bouxwiller de 1854. Manuscrit BNUS 593.
Article parue dans les
Dernières Nouvelles d'Alsace du 5 janvier 2011
Crédit photo, DNA, Château de Mulhausen, appartenant à la famille de Gail. (Carte postale fournie par Vincent Kauffmann)